Ouest-France censure : le magazine « Bretons » retiré des kiosques


Le numéro de Février du magazine Bretons, qui comportait une manchette « autonomiste » en une, Bretaga été retiré des kiosques. Pour la CFDT d’Ouest-France, il s’agit d’un acte de censure.

Par Yann Goap, depuis la Bretagne.

Depuis des lustres le jacobinisme triomphe en France, suite à un fâcheux quiproquo datant du 13 juillet 1793 lorsque les courageux girondins s’enfuirent à toutes jambes devant les montagnards de Vernay à la « bataille » de Pacy-sur-Eure, qui ne fit aucun mort. De nos jours ce centralisme est très légèrement écorné par un pseudo-régionalisme qui fait rigoler toute l’Europe très en avance sur ce point.

À l’Ouest, rien de nouveau : la Bretagne s’est depuis longtemps endormie dans la quiétude de l’annexion française de 1532, c’est vous dire. De temps en temps, d’un côté comme de l’autre quelques exaltés frémissent en évoquant l’indépendance, l’autonomie et autre rêverie celtique, puis l’on revient aux choses sérieuses, à savoir les fins de mois à assurer. Les Bretons sont contents, leur « fest-noz » est classé patrimoine de l’Humanité, il n’y a jamais eu autant de sonneurs et de cercles celtiques, tout le monde trouve sympa la celtitude, les Parisiens connaissent le festival des Vieilles Charrues, la langue bretonne se meurt au milieu de mille soupirs de compassion.

MAIS ! Faut pas pousser trop loin, le feu couve, la braise de Breizh rougeoie. Le mensuel Bretons, société, culture, politique, économie, branché et de bon ton affiche à sa une de février 2013 « un résultat surprenant : 18% des Bretons pour l’indépendance ! » Le sondage est commenté, entre autres, par Romain Pasquier, en couverture, talentueux chercheur en gouvernance régionale et décentralisation, habitué des médias et des séminaires internationaux. On commence à en parler sur le Net mais l’Affaire débute avec la disparition des étalages de la revue en question…

Explication officielle de son directeur : des malfaçons l’ont contraint à retirer les exemplaires (tirage 10 000 ex.) précipitamment pour les remplacer par un nouveau tirage de qualité. Ben non, c’est pas vrai, hou, le menteur ! Parce que de suite il y a le buzz sur Internet. Vous pensez : un magazine qui titre sur l’indépendance et qui s’évapore dans la brume ouest-francienne… Mais Merlin intervient, le magazine reparaît en kiosque… avec une légère différence pour l’œil du lecteur averti. Toujours le beau gosse en couverture, mais le titre est devenu « 69% des Bretons ignorent leur histoire »… Ce qui est exact. D’autant qu’on leur cache la chose avec soin dans l’éducation « nationale ».

Alors un petit peu d’histoire locale pour comprendre. L’Ouest de la France est entre les pages du quotidien Ouest-France, premier de France avec un tirage qui tutoie parfois le million d’exemplaires. C’est la face émergée d’un empire de presse qui a fait main basse sur toutes les « petites » parutions régionales : 4 journaux régionaux, 58 parutions diverses, une maison d’édition puissante « Edilarge », etc. (avec, tout de même, un déficit du journal O-F de 5 millions en 2012 !) ET 30% de participation du magazine Bretons. À la tête François-Régis Hutin, sa famille, ses amis regroupés dans l’Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste, qui est une association française de type loi 1901, fondée en avril 1990, qui chapeaute le groupe Ouest-France.

Sans rire, Hutin a fait adopter une charte de déontologie intitulée « Dire sans nuire, montrer sans choquer, témoigner sans agresser, dénoncer sans condamner ». Serait-ce lui qui, avalant de travers son hostie en lisant le titre autonomiste, a fait retirer, dans les deux sens du terme, la revue blasphématoire ? Pour la CFDT d’Ouest-France, pas de doute, il s’agit « d’un acte de censure inadmissible de la part du patron d’un journal qui ne cesse de plaider pour la liberté d’informer ». Dans un tract, publié mardi 29 janvier et dont des extraits sont relayés par le site du Mensuel de Rennes, le syndicat dénonce le retrait de la vente du magazine Bretons et pointe un doigt accusateur sur François-Régis Hutin, démocrate-chrétien humaniste sourcilleux propre sur lui.

À Paris, on s’en fout, ce n’est qu’une anecdote de bouseux, mais en Bretagne, il y a une censure. Personne ne peut s’en prendre à la toute-puissance du groupe monopolistique. Il y en a qui ont essayé, personne n’en a jamais rien su, vu que ce n’était pas dans le journal.

repris du site Contrepoints : http://www.contrepoints.org/?p=114720