Conseil d’Alsace : réussir demain ce qu’ils ont raté hier


Une centaine de laboratoires, plus de mille chercheurs, des milliers d’emplois nouveaux, voilà ce que l’Alsace a laissé partir à Grenoble dans les années 80.
En 1983, l’État s’était engagé en faveur de Strasbourg comme lieu d‘implantation du Synchrotron, un équipement de recherche de très haute technologie qui aurait donné aux laboratoires, aux chercheurs et aux entreprises alsaciennes d’immenses perspectives de développement. Mais finalement, en dépit du contrat de plan État-Région, le gouvernement socialiste de l’époque a décidé que l’accélérateur d’électrons franco-allemand serait construit à Grenoble. Les responsables politiques alsaciens, de gauche comme de droite, naïfs et agissant en ordre dispersé, n’ont pas réussi à inverser le cours des choses. L’Alsace a été humiliée et aujourd’hui encore, nous en payons les conséquences.

Pourquoi les Alsaciens subissent-ils les mêmes déremboursements médicaux que dans les autres régions alors que notre système de santé est le seul à être équilibré ? Pourquoi n’avons-nous pas eu le synchrotron qui avait été promis à l’Alsace et qui aurait été un extraordinaire atout économique ? Pourquoi l’État a-t-il pu renier ses engagements et s’en prendre l’an dernier à l’enseignement bilingue ? Pourquoi, il y a quelques jours seulement, le Conseil constitutionnel a-t-il démoli un pan important du droit local ?

La division, cause de notre faiblesse

À chaque époque, les Alsaciens se sont posés ces questions, et bien d’autres encore. La responsabilité des hommes politiques alsaciens, très déférents vis-à-vis de l’État, est bien sûr en cause ; mais ce n’est pas la seule explication. Une des principales raisons de notre faiblesse, c’est notre division. Songez que pendant les longues et âpres négociations sur le financement des TGV, jamais les collectivités alsaciennes ne se sont réunies pour négocier ensemble face à l’État et la SNCF. Le résultat, nous le connaissons : aujourd’hui encore, le contribuable alsacien paye pour des TGV que les autres régions ont eu gratuitement.

L’Alsace, région à forte identité, petite par la taille, souffre depuis des décennies du trop grand nombre d’assemblées qui décident de nos services publics. Dans quelques semaines, les Alsaciens auront l’occasion de prendre leur destin en mains, en approuvant la fusion des Départements et de la Région, pour créer la Collectivité territoriale d’Alsace. Pour la première fois en France, la population d’une région, l’Alsace, sera consultée par référendum sur la question essentielle de son organisation administrative et politique. L’Alsace ne doit pas laisser passer cette occasion historique. Il faut que le 7 avril prochain les Alsaciens aillent voter massivement pour le OUI. Quand demain l’Alsace parlera d’une seule voix, quelle force nous aurons pour traiter avec nos voisins allemands et suisses, et pour négocier avec les services de l’État !

Plus de pouvoirs, plus de moyens

Les TGV sont arrivés en Alsace avec 15 ans de retard par rapport aux autres régions de France. Et en plus, nous avons dû les co-financer, alors que les autres régions ont eu le leur gratuitement. C’est un des plus grands échecs des responsables politiques alsaciens de l’époque.

Bien sûr, cette fusion permettra de faire des économies. Mais les économies budgétaires ne doivent pas être le seul objectif de la réforme. Nous devons surtout exiger que l’État nous transfère des compétences supplémentaires et les moyens financiers correspondants. L’histoire a maintes fois prouvé que l’Alsace, quand on lui en donne l’occasion, sait faire mieux, plus vite et moins cher que l’État.

Aujourd’hui, la plupart des décisions sont prises à Paris, loin de chez nous. Après la fusion, de nombreuses décisions seront prises en Alsace, au plus près des administrés. Les Alsaciens se moquent de savoir où se réuniront les élus pour débattre et voter. La question du siège est vraiment une question secondaire. Ce que veulent les Alsaciens, c’est pouvoir trouver près de leur domicile un élu avec qui discuter, un bureau et un agent à qui poser leurs questions. C’est cela, la proximité.

Cessons les querelles entre Alsaciens

Certains craignent à tort un centralisme Bas-Rhinois. Mais comment pourrait-il y avoir un tel centralisme puisque l’on supprime les Départements ? Il n’y aura plus ni Haut-Rhinois ni Bas-Rhinois, il n’y aura plus que des Alsaciens. Ceux qui voudraient dresser les habitants de Colmar, de Mulhouse et de Haute-Alsace contre ceux de Strasbourg et de Basse-Alsace porteraient une lourde responsabilité dans l’éventuel échec du référendum. Le seul centralisme qui demeurera, c’est le centralisme d’État contre lequel les Alsaciens devront rester vigilants.

Il reste huit semaines avant le jour du référendum, huit semaines pour affiner et améliorer le projet qui sera soumis aux Alsaciens. En l’état, le projet est loin d’être idéal. Mais malgré ses imperfections, ce projet de fusion est un grand pas en avant. Il faut dépasser les dérisoires querelles de personnes ou les griefs que certains peuvent nourrir contre des aspects mineurs du projet. Gardons à l’esprit que le choix que nous allons faire va déterminer notre avenir pour longtemps. Nul ne peut souhaiter l’immobilisme.

Il reste huit semaines pour convaincre nos proches, nos amis et collègues d’aller voter, et de voter Oui. La fusion et la création du Conseil d’Alsace sont la condition du redressement de notre région. Le succès du référendum sera un grand espoir pour l’Alsace. Saisissons cette chance qui ne se représentera pas avant des dizaines d’années.