Une étrange affaire : le grand contournement ouest de Strasbourg


Début juin, les Alsaciens ont appris que le projet du Grand Contournement Ouest de Strasbourg était abandonné. Cette information a été largement répercutée par la presse régionale, assortie de toutes sortes de commentaires sur l’épineuse question de l’engorgement de l’A35.

Nous ne revenons pas ici sur le débat opposant ceux qui sont pour le GCO à ceux qui sont contre. L’abandon du projet semble aujourd’hui définitif. C’est un tout autre aspect du dossier qui nous irrite, et qui a totalement échappé à la presse quotidienne locale : qui décide quoi ?

Qui décide ? qui paye ?

En lisant les nombreux articles consacrés au GCO, les Alsaciens découvrent que l’arrêt de mort du projet a été signé par… le ministère de l’Écologie, après une passe d’armes entre l’État et la multinationale VINCI, le géant du BTP. Où sont les responsables politiques alsaciens dans cette affaire ? Nulle part. Même pas comme spectateurs ! Philippe Richert, le président de Région, a dû reconnaître que la décision a été prise sans même qu’il en ait été informé (DNA du 6 juin 2012). Quelle humiliation ! Et pourtant, le Conseil régional s’était engagé à verser une subvention de 3,5 M€ ; le Conseil général avait décidé une subvention de 3,25 M€. Comme souvent, comme presque toujours, les collectivités alsaciennes engagent l’argent du contribuable avec beaucoup de légèreté. Nous payons, mais nous ne décidons rien. Et cela fait des décennies que c’est comme ça.

Que font les responsables alsaciens de l’UMP et du PS ?

Nous le répétons, il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre le projet, mais de faire comprendre au lecteur l’anomalie majeure de ce dossier. Pour décider de construire 24 km de route du côté de Strasbourg, les élus alsaciens de l’UMP et du PS n’ont aucun pouvoir de décision. Le pire, c’est qu’ils trouvent cela normal. D’élections en élections, ils nous parlent de décentralisation, mais c’est toujours Paris qui décide. Et pourquoi en serait-il autrement, puisque nos élus ne demandent pas davantage de pouvoirs ? Mais il ne faudra plus alors se demander pourquoi le contribuable-électeur alsacien se réfugie toujours plus dans l’abstention lors des élections locales.

Pourquoi le dossier du GCO est-il abandonné ?

Nous espérons que lorsque Philippe Richert sera remis de son choc, il saura introduire un recours contre l’État.

La raison invoquée par l’État pour stopper le projet est que le groupe VINCI, concessionnaire pressenti pour la construction et la gestion de cette autoroute à péage, n’aurait pas réuni avant la date butoir du 28 mai les concours bancaires nécessaires au financement de l’opération.
Mais de qui se moque-t-on ? VINCI, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 37 milliards d’euros en 2011, n’aurait pas pu trouver les financements pour réaliser un petit tronçon autoroutier de 24 km ? Qui peut croire pareille énormité ?
Et qu’est-ce que c’est, cette date « butoir » du 28 mai 2012 ? Le projet de GCO est à l’étude depuis 15 ans. Après quinze longues années d’études, de concertations, d’enquêtes et de discussions, aucune autorité publique ou politique n’aurait pu accorder un mois supplémentaire à VINCI pour boucler son financement ? Personne de sensé ne peut croire cela.

Pas d’autoroute à péage en Alsace

En réalité, il y a deux causes à l’arrêt du projet ; l’une politique, l’autre financière. D’un point de vue politique, il faut bien admettre que le projet n’avait plus beaucoup de supporteurs, et que les élus Verts sont totalement hostiles au GCO. Sachant que l’influence des Verts s’est renforcée au niveau régional comme au niveau national, le dossier GCO commençait à devenir fragile. Mais surtout, c’est l’aspect financier qui a définitivement balayé le GCO. En effet, arrivée au pied du mur, la direction de VINCI s’est rendu compte que l’affaire ne serait pas rentable et que le péage demandé aux usagers ne suffirait pas à couvrir les coûts et les amortissements de l’investissement. VINCI trouve donc une excuse bidon et jette l’éponge.

Quelle conclusion tirer de l’étrange issue de cette affaire ? Qu’il ne fallait pas opter pour la solution d’une autoroute à péage confiée à des intérêts privés. Cette faute a été commise en son temps aussi bien par la droite que par la gauche. Mauvais choix, quinze années perdues.

Mais attention aux lendemains qui déchantent. Les élus PS de la CUS ont annoncé qu’ils allaient réfléchir aux solutions « alternatives ». Si la nouvelle réponse au problème de l’engorgement routier de la CUS, c’est de neutraliser une des voies de l’A35 pour l’affecter aux autobus, les problèmes de circulation automobile seront alors pire qu’aujourd’hui.